REQUALIFICATION D’UN CONTRAT EN CONTRAT DE TRAVAIL (CDD)

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Loic GOURDIN Spécialiste en Droit du Travail

 

 

 

Le contrat de travail : de l’importance de ne pas se tromper sur la qualification juridique d’une relation contractuelle

Aux termes de son article L. 1221-1, le Code du travail précise que « le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter ».

Pour autant, le Code du travail ne définit aucunement la notion de contrat de travail.

De jurisprudence constante, celle-ci se définit comme une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre personne, sous sa subordination, moyennant une rémunération.

Un contrat de travail suppose donc un travail, une rémunération et – surtout – un lien de subordination juridique.

Ce lien de subordination ainsi exigé est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il appartient au juge prud’homal d’apprécier la situation au regard des circonstances de fait dans lesquelles est exercée l’activité et, le cas échéant, de requalifier la relation entretenue en relation de travail, s’il apparaît l’existence d’un quelconque lien de subordination juridique, quand bien même les parties n’ont jamais eu l’intention d’entretenir une telle relation.

S’il requalifie cette relation contractuelle en contrat de travail, le juge prud’homal a vocation à en tirer toutes les conséquences financières qui en résultent, notamment si le contrat a pris fin (arriérés de salaire, indemnité de requalification, indemnité de licenciement et de préavis, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour travail dissimulé …).

Un club de football amateur en a fait l’amère expérience.

Lié à un jeune joueur amateur par un contrat conclu pour une saison, le club a mis un terme prématuré au contrat – sans autre formalisme – du fait de l’impossibilité de son joueur de pratiquer son sport après un accident de la circulation.

Le jeune joueur a alors intenté une action devant le Conseil de prud’hommes à l’encontre de son club en se prévalant de l’existence d’un contrat de travail illégalement rompu par l’employeur.

Tant le Conseil de prud’hommes que la Cour d’appel ont rejeté les prétentions du joueur au motif que les sujétions qui lui étaient imposées relevaient des règles minimales à respecter pour pratiquer un sport collectif et n’étaient pas de nature à caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique.

Saisie par le joueur, la Cour de cassation n’a pas partagé cette analyse et, aux termes d’un arrêt du 22 juin 2016, a cassé l’arrêt de la Cour d’appel après avoir retenu que :

« pour écarter la qualification de contrat de travail et débouter le joueur de ses demandes, l’arrêt retient que la convention conclue entre les parties implique l’obligation pour le joueur de participer aux matchs et aux entraînements, de porter les équipements, d’avoir une certaine réserve dans ses propos, mais que ces obligations ne dépassent pas celles qui peuvent légitimement être imposées aux joueurs amateurs pour permettre l’organisation des clubs et des rencontres sportives, que le lien de subordination invoqué n’est lié qu’au respect de ces règles, qu’enfin, la prestation du joueur n’a pas été rémunérée puisque ce dernier n’a perçu que des sommes susceptibles de couvrir ses frais de déplacements et qui n’apparaissent pas excessives (…);

En statuant ainsi alors qu’elle avait constaté que la convention conclue entre les parties, dont il n’était pas contesté qu’elle avait reçu application, stipulait une période d’essai d’un mois, le versement d’une indemnité mensuelle de 1 100 euros outre les primes de matchs, la possibilité de résilier immédiatement le contrat pour faute grave, une réduction de l’indemnité et/ou l’application de sanctions disciplinaires déterminées par le comité directeur du club en cas de défaut de respect de l’ensemble des obligations mises à la charge du joueur au nombre desquelles figurent celles de participer aux matchs et aux entraînements, d’avoir une bonne conduite générale en soignant l’image du club en public, vis-à-vis des médias, des sponsors, d’entretenir de bonnes relations avec les autres joueurs du club, les entraîneurs et dirigeants du club, d’observer une réserve de parole, de consulter le médecin du club en cas de blessure, de porter les équipements fournis par le club et de jouer en équipe réserve en l’absence de sélection dans l’équipe fanion, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé [l’article L. 1221-1 du Code du travail] ».

Du fait de l’existence d’un lien de subordination juridique, le contrat du joueur amateur ne pouvait donc qu’être requalifié en contrat de travail.

C’est ce qu’a retenu la Cour d’appel de renvoi, laquelle, aux termes d’un arrêt rendu le 24 mars 2017, n’a fait que tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de cassation avant de condamner le club de football à verser à son joueur les sommes de :

  • 9 792,00 € au titre d’un rappel de salaire dont il convient de déduire la somme déjà perçu en cours de contrat
  • 979,20 € au titre des congés payés y afférent
  • 9 792,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat
  • 1 958,40 € au titre de l’indemnité de précarité
  • 2 500,00 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

et à lui transmettre les bulletins de paie pour la période considérée ainsi que les documents de fin de contrat.

En revanche, la Cour d’appel n’a pas alloué au joueur de dommages et intérêts du fait de l’absence de visite médicale d’embauche et n’a pas retenu la qualification de travail dissimulé.

A bon entendeur …

Loïc GOURDIN

Spécialiste en Droit du Travail

Spécialiste en Droit public

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